Couples de même sexe : une brèche dans la référence aux « père et mère »

Par deux arrêts, la Cour de cassation se prononce sur la délégation de l’autorité parentale au sein d’un couple de personnes de même sexe

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La Première Chambre civile de la Cour de cassation a rendu, jeudi 8 juillet 2010, deux arrêts concernant la délégation de l’autorité parentale à la compagne de la mère biologique d’un enfant.

Dans le premier arrêt, la Cour de cassation se prononçait sur une demande d’exequatur d’une décision de justice américaine ayant prononcé l’adoption d’un enfant par la compagne de sa mère biologique (l’exequatur permet de rendre exécutoire en France une décision de justice étrangère).

Les deux femmes, liées aux Etats-Unis, par un domestic partnership (équivalent du PaCS), avaient obtenu de la justice américaine l’autorité parentale conjointe et la mention sur l’acte de naissance de l’enfant de la mention « parent » désignant la compagne de la mère.

Le Tribunal de grande instance de Paris, puis la Cour d’appel de Paris, avaient refusé d’ordonner l’exequatur aux motifs qu’elle serait contraire notamment à l’article 365 du Code civil, lequel dispose que l’adoptant est seul investi (…) de tous les droits d’autorité parentale (…) concurremment avec son conjoint.

En 2007, la Cour de cassation avait rappelé qu’en droit français, la notion de « conjoint » renvoyait uniquement à la situation de personne mariée. Sans revenir sur cette position, la Cour, dans son arrêt du 8 juillet 2010, juge que la décision de partage de l'autorité parentale ne heurte pas les principes essentiels du droit français, et que l’exequatur ne peut pas être refusée en invoquant, comme la Cour d'appel l'avait fait, l'ordre public international français.

Cette décision se limite au contentieux de l’exequatur et ne concerne pas celui de l’adoption qui, au demeurant, est de la compétence du juge administratif (donc, en dernier ressort, du Conseil d’Etat) lorsqu’est en cause la délivrance d’un agrément permettant l’adoption.

En l’état actuel de la jurisprudence, le Conseil d’Etat refuse toujours d’accorder un agrément à un postulant à l’adoption lorsqu’il apparaît que le demandeur est homosexuel (qu’il vive seul ou en couple). Cependant, la Cour européenne des droits de l’homme ayant récemment condamné la France en considérant que cette position de principe était contraire aux stipulations de la Convention européenne des droits de l’homme, on peut imaginer que le Conseil d’Etat sera amené à renverser sa jurisprudence.

Il est d’ailleurs probable que c’est cet arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme qui a incité la Cour de cassation, dans l’affaire en cause, à adopter cette interprétation très libre de l’article 365 du Code civil.

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Dans le deuxième arrêt, un couple de femmes, chacune mère d’un enfant, a demandé que l’autorité parentale de l’une soit déléguée à l’autre pour l’enfant qui n’était pas le sien.

La Cour d’appel de Douai ayant refusé d’accéder à leurs demandes, les deux femmes se sont pourvues en cassation. La Cour de cassation, après avoir rappelé que l’article 377 du Code civil ne s'oppose pas à ce qu'une mère seule titulaire de l'autorité parentale en délègue tout ou partie de l'exercice à la femme avec laquelle elle vit en union stable et continue, a néanmoins rejeté le pourvoi, en décidant qu’il était nécessaire que des circonstances l'exigent et que la mesure soit conforme à l'intérêt supérieur de l'enfant et qu’en l’espèce les deux femmes ne rapportaient pas la preuve de circonstances particulières qui imposeraient une délégation d'autorité parentale.

En effet, la Cour d’appel avait relevé que les deux femmes ne s’étaient jamais heurtées à des difficultés dans leur vie quotidienne (elles avaient, par exemple, toujours pu participer aux réunions scolaires de l’enfant de l’autre). La Cour de cassation adopte cette interprétation en indiquant que les enfants étant épanouis, la preuve n’était pas rapportée que la délégation était indispensable (sic).

Cette décision semble plus libérale que celle que la Cour avait adoptée en 2007 (par laquelle elle avait refusé, par principe, d’accorder l’autorité parentale à la compagne de la mère de l’enfant) et entame une brèche dans l’interprétation de l’article 377 qui ne fait référence qu’aux « père et mère ».

Jérôme Farina-Cussac & Romain Farina-Cussac

Coordinateurs juridiques

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