« Vieillir avec le VIH est une longue croisière »

Lors du congrès de la Société française de lutte contre le sida (SFLS) qui s’est déroulé du 6 au 8 décembre à Tours, une session a abordé la question du vieillissement des personnes vivant avec le VIH (PVVIH). En France, 50 % d’entre elles ont plus de 50 ans (contre 8,5% en 1993) et 16% ont plus de 60 ans. Cette bonne nouvelle pousse cependant à réfléchir aux enjeux nouveaux et nombreux résultant de cette formidable évolution due à la qualité des traitements actuels.

La table-ronde Vieillir c’est vivre organisée par le laboratoire ViiV Healthcare a réuni Florence Thune, directrice de Sidaction , Thibaut Vignes, directeur de l’association Les Petits Bonheurs , ainsi que les docteurs Clotilde Allavena du CHU de Nantes et Hubert Blain du CHU de Montpellier.

Si pour le docteur Clotilde Allavena, vieillir est une bonne nouvelle quand on est séropositif, la nécessité d’accompagner les PVVIH dans un « bien vieillir » est primordiale. 13% des PVVIH sont des personnes fragiles, ce qui n’est pas très différent de la population générale mais parfois, les PVVIH sont des personnes très fragiles. Ce qui s’explique par l’âge mais aussi par des situations de précarité très fréquentes dans lesquelles elles se trouvent parfois depuis des années. Chez les PVVIH de plus de 70 ans, il convient donc de dépister celles qui perdent en autonomie physique sans oublier les aspects psychiques. En effet certaines PVVIH ne savent pas comment elles vont pouvoir faire face aux contraintes matérielles avec des revenus faibles, ce qui peut entraîner un stress préjudiciable. En recherchant les troubles cognitifs chez les PVVIH âgées, en les identifiant, il devient possible de proposer un accompagnement permettant de ralentir leur évolution.

On pensait mourir à 30 ans

Depuis 15 ans, l’association Les Petits Bonheurs accompagne et soutient des personnes vivant avec le VIH ou malades du sida, particulièrement isolées socialement et affectivement. Son directeur, Thibaut Vignes, rappelle qu’au début de l’épidémie il y a quarante ans, il a d’abord été question de survivre. Puis l’évolution des traitements a permis de s’inscrire dans la durée, de retrouver des possibilités d’avenir. Thibaut Vignes évoque deux réactions de PVVIH suivies par les Petits Bonheurs : « On pensait mourir à trente ans et j’en ai soixante ans aujourd’hui » et surtout « J’ai soixante ans mais je n’ai pas de projet, pas d’argent… Que vais-je faire ? » Thibaut Vignes note que certaines personnes vivant avec le VIH peuvent être lassées par les années qui passent : tous les traitements pris depuis des années, le décès d’amis, le rejet familial dû à la sérophobie ou à l’homophobie, pas d’aidants pour aider dans le quotidien, des difficultés financières, des carrières inexistantes ou en dents de scie… Le directeur des Petits Bonheurs constate que la première fragilité rencontrée chez les PVVIH de plus de 50 ans c’est l’isolement, qui a un impact sur l’état global de la personne. On doit être vigilant sur la perte d’autonomie qui résulte de cet isolement.

Les moyens existent pour dépister

Le docteur Hubert Blain constate que tous les moyens existent aujourd’hui pour dépister les personnes qui sont sur une pente de vieillissement accéléré. Il rappelle aussi l’importance des associations qui jouent depuis toujours un rôle majeur pour les PVVIH. Nous devons continuer à créer du lien, nous médecins, avec elles pour construire un climat de confiance et faire travailler tout le monde ensemble dans l’intérêt des personnes vivant avec le VIH.

Sérophobie persistante

Florence Thune, directrice de Sidaction, assume parfaitement sa séropositivité. Avec son humour habituel, elle admet que vieillir est une longue croisière... qui n’est pas toujours amusante quand on est PVVIH. Si elle accepte sa situation, Florence Thune déclare néanmoins faire parfois le choix de ne plus évoquer son statut pour ne pas se confronter à des remarques déplaisantes existant même, assène-t-elle, dans le système de santé. Sida Info Service peut témoigner de cette sérophobie persistante. Notre enquête Discriminations réalisée en 2019 a permis de conclure que plus de trois répondants sur cinq (67.4 %) pensaient avoir déjà été discriminés du fait de leur séropositivité. Parmi les domaines où ont eu lieu ces épisodes discriminants, celui de la santé était majoritairement évoqué (60%). Les dentistes sont toujours les spécialistes les plus souvent cités (45% des spécialités évoquées) bien que toutes les catégories médicales soient mises en cause.

Bien vieillir avec le VIH

Florence Thune cite le groupe Bien Vieillir avec le VIH créé il y a trois ans avec une vingtaine d’associations pour garantir le bien-être et une prise en charge de qualité des personnes vivant avec le VIH de plus de 50 ans. Un certain nombre de recommandations ont été adressées aux pouvoirs publics. Parmi ces recommandations, la nécessité de repérer les fragilités des PVVIH, de former les professionnels qui interviennent auprès des personnes âgées, aux spécificités du VIH, de garantir les droits économiques et sociaux des personnes concernées par le VIH...

Sidaction participe aussi à la plateforme Moi Patient , qui compte 14 partenaires, et qui s’adresse aux patients, proches et aidants, aux associations de patients et d’usagers, aux chercheurs… Ce site web totalement sécurisé récolte les informations que les patients veulent bien confier sur leur santé, pour contribuer à la recherche et à l’évaluation de la qualité des soins.

Etats généraux des PVVIH en mai 2024

Profitons de cette occasion pour rappeler que des États généraux des PVVIH se dérouleront en 2024 sur le thème : « Les personnes vivant avec le VIH prennent la parole ».

Il s’agira de :
• Visibiliser la situation des PVVIH, leurs problématiques, leurs besoins,
• Créer les conditions pour l’émergence d’une parole collective des PVVIH qu’elles fréquentent ou pas les associations,
• Etablir des recommandations pour améliorer le parcours, la prise en charge globale, l’offre d’accompagnement des personnes et lutter plus efficacement contre les discriminations.

200 participants sont attendus à ces états généraux aussi bien des PVVIH que des associations de lutte contre le VIH/sida, des professionnels de santé et des acteurs institutionnels.

Ces états généraux se dérouleront du 25 au 27 mai 2024 à Paris, porte de Versailles.

Sida Info Service propose un espace pour les séropos avec possibilité d’accompagnement avec un écoutant, des informations sur les traitements, les droits, la vie avec le VIH.

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