Confronté à une prise de risque VIH, le dépistage permet de lever le doute pour la très grande majorité des personnes. Parfois, au contraire, l’inquiétude d’être contaminé résiste à tous les arguments rationnels notamment le test effectué dans les délais appropriés. Faut-il en déduire que pour certains appelants la peur du VIH dominerait toute réalité et ferait perdre la raison ? Christophe, écoutant à Sida Info Service, propose ici une piste de compréhension.
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« J’ai fait le test de dépistage du VIH à 4 semaines, puis à 6 semaines, je l’ai refait à 3 mois… Est-ce que je peux être tranquille ? Est-ce que je dois le refaire à 6 mois ?... »
Sachant qu’une sérologie VIH est parfaitement fiable à 6 semaines, qu’est ce qui empêche cet appelant « d’y croire » ?
Nous, écoutants de Sida Info Service, sommes régulièrement confrontés à des personnes qui, malgré des tests négatifs, restent très inquiètes à l’idée d’être, quand même, infectées par le VIH.
Généralement, ce qui vient conforter cette incertitude ce sont l’apparition de symptômes.
« Vous comprenez, je n’ai jamais eu ce genre de symptômes et ils sont apparus aussitôt après ma prise de risque. Je ne vois pas ce que ça pourrait être d’autre que le VIH ! »
On a beau expliquer qu’une infection par le VIH ne donne pas de symptômes spécifiques (et même souvent pas de symptômes du tout !), qu’ils n’apparaissent pas aussi tôt (« c’était dès le lendemain ! ») ou aussi tard (« cela fait plus de trois mois que je traîne ces symptômes »), rien n’arrive à remettre en cause le lien de causalité imaginaire entre ces symptômes et une infection par le VIH. Même les tests négatifs répétés n’y changent rien.
Comment comprendre ces inquiétudes qui résistent à tous les arguments rationnels qui invalident clairement l’hypothèse d’une infection par le VIH ?
Si on s’en tient aux seules réalités objectives, c’est « à n’y rien comprendre ». D’ailleurs les personnes elles-mêmes ne comprennent pas pourquoi le test ne leur permet pas de se dégager de toute inquiétude…
On pourrait être tenté de « ramener ces personnes à la raison » en accumulant les arguments mais force est de constater que cela ne sert bien souvent à rien. Généralement la dernière question qui vient c’est : « Bon... Si je vous comprends bien, je n’ai aucune raison de m’inquiéter alors ? »
Je suis toujours frappé par la grande pertinence de cette question.
Effectivement, l’enjeu n’est pas « Si je comprends bien je ne suis pas porteur du VIH » mais bien « Ai-je encore des raisons de m’inquiéter ? ».
Mais au fait ! De quoi parle-t-on ? Du VIH ? ou de l’inquiétude autour du VIH ?
Parfois on dit « Un problème bien posé est déjà en grande partie réglé ».
Poser le problème du coté du VIH alors qu’il concerne l’inquiétude du VIH condamne à l’échec toute tentative de solution.
Ainsi le fait d’avoir un résultat de test négatif (et parfois même un certain nombre !) ne règle en rien le problème de l’inquiétude.
La comparaison qui me vient alors à l’esprit est la suivante : C’est un peu comme si on disait à une personne qui est sortie indemne physiquement d’un grave accident : « Tu n’es pas blessée, donc tout va bien. ».
Cela peut paraitre exagéré de faire une telle comparaison, et en même temps, pour certains, il semble qu’il s’agisse bien d’une confrontation à la réalité de la mort et aux conséquences qui en découlent.
Passer 6 semaines dans le doute, à s’imaginer porteur du VIH, avec toutes les conséquences que cela pourrait avoir pour soi comme pour son entourage, c’est une expérience douloureuse que bon nombre de personnes n’arrivent pas à « solder » avec un simple résultat de test négatif.
S’imaginer porteur du VIH c’est pour beaucoup encore, s’imaginer en sursis, menacé par une fin à brève échéance de son existence. Un peu comme si, porteur du VIH, nous devenions réellement mortels, avec une vie en CDD (et non plus en CDI comme on se plaît à l’imaginer).
La question est alors : comment arriver à tourner la page ?
La tentation est de refaire un test, reproduire le soulagement éphémère que procure la confirmation que, côté VIH : tout va bien.
Mais pour certains cela ne suffit pas à soulager toutes les angoisses accumulées pendant le temps d’attente. Surtout quand se mêlent à ces angoisses des regrets voire des remords persistants.
« Avec le temps, ça finira bien par passer », nous dit-on souvent.
Peut-être... Le temps arrondit parfois bien des angles et, comme dit le poète, « avec lui tout s’en va ».
Mais il me semble que le fait de pouvoir revenir sur ce qui a été vécu, pouvoir en parler librement avec un écoutant attentif et bienveillant, cela peut aussi, et sans doute bien plus efficacement, permettre de clore un chapitre douloureux pour pouvoir enfin « tourner la page » et reprendre sa vie. Pas tout à fait sa « vie d’avant », mais peut être une vie enrichie d’une épreuve subie, affrontée et finalement dépassée.
Christophe, écoutant