Transmission volontaire du VIH : que dit la loi ?

Au Canada, le code criminel stipule que les personnes connaissant leur séropositivité mais qui ne divulguent pas leur statut à leur partenaire, peuvent être accusées d’agression sexuelle grave. Et en France, que dit la loi ?

Le journal canadien Le Devoir a rappelé cet été (N° du 05 août 2023) « qu’une personne atteinte du VIH qui n’a pas divulgué sa séropositivité avant d’avoir des relations sexuelles peut être accusée de voies de fait graves ou d’agression sexuelle grave même s’il n’y a pas eu de transmission ou que le risque de transmission était nul ou négligeable ». Ainsi deux femmes victimes de viol ont été accusées d’agression sexuelle grave puisqu’elles n’avaient pas divulgué leur statut séropositif à leurs agresseurs présumés au moment des événements.

Notons que la Direction générale du ministère de la Santé et des Services sociaux québécois a transmis en 2019 aux procureurs aux poursuites criminelles et pénales, un avis sur les effets actuels du traitement contre le VIH. Une personne séropositive « qui suit un traitement antirétroviral comme prescrit et maintient une charge virale inférieure à 200 copies VIH/ml de sang mesurée par des analyses consécutives de laboratoire tous les 4 à 6 mois (charge virale assimilée à une « charge virale supprimée » » ne peut pas transmettre le VIH. Ainsi, le critère de la « possibilité réaliste de transmission du VIH » n’est pas satisfait dans ces circonstances et il s’ensuit que des poursuites ne seraient pas justifiées. Selon le réseau juridique VIH, souligne le journal La Presse, « 224 personnes ont été poursuivies au criminel pour non-divulgation de séropositivité au Canada entre 1989 et 2020 ».

Cette pénalisation, qui demeure toutefois dans le code criminel, les associations de lutte contre le VIH/sida canadiennes la condamnent et mènent un plaidoyer pour montrer que c’est injuste. Dans Le Devoir, Benoit Racette, coordonnateur du programme Droits et plaidoyer de la Coalition des organismes communautaires québécois de lutte contre le sida , souligne que « le VIH, c’est la seule maladie transmissible [sexuellement] qui est condamnée à ce point sur le plan pénal et criminel. Ça a contaminé l’image des personnes qui vivent avec le VIH. Ça ne fonctionne pas, la criminalisation, tous les experts le disent. »

Charge virale indétectable

La criminalisation fonctionne d’autant moins - et elle d’autant plus hors sol - qu’au cours des dernières années, les progrès thérapeutiques ont fondamentalement transformé la vie des personnes séropositives (PVVIH). Grâce à des molécules performantes, une prise du traitement rigoureuse, un suivi médical efficace basé sur la confiance avec les soignants, les PVVIH ont désormais une charge virale indétectable et ne peuvent plus transmettre le VIH. Cette réalité encore trop souvent méconnue par le grand public et parfois par les PVVIH elles-mêmes doit être rappelée et encore rappelée. De ce fait, en cas de suspicion de contamination, il est essentiel de vérifier sa situation vis-à-vis du VIH par un test de dépistage. En cas de séropositivité, la personne pourra se faire prescrire un traitement qui permettra de vivre normalement et d’avoir une charge virale intransmissible. [Pour connaître l’histoire du TasP (Treatment as Prévention) et de ses effets aujourd’hui, consulter notre dossier Le TasP, c'est quoi ?]

Et en France, que dit la loi ?

En France, aucun texte de loi ne sanctionne la transmission du VIH. Toutefois, si elle est volontaire, la transmission peut faire l’objet de poursuites pénales. La transmission du VIH est sanctionnée sur le fondement pénal de l'administration de substances nuisibles ayant porté atteinte à l’intégrité physique. Pour que cette infraction soit constituée, deux éléments doivent être établis :

- Le ou la partenaire a dissimulé volontairement son état de séropositivité pour avoir des relations sexuelles non protégées,

- Il y a eu effectivement une contamination par le VIH à l’issue de ces relations.

La peine encourue est de 10 ans maximum d’emprisonnement et de 150 000 € d’amende. Elle peut être plus importante en cas de circonstance aggravante.

Pour aller plus loin avec SIS

Pour informer et accompagner les personnes vivant avec le VIH, SIS met à disposition, en tant que spécialiste de la relation d’aide à distance, deux dispositifs spécifiques téléphone et Internet :

- Sida Info Droit permet d’apporter des réponses adaptées aux questions juridiques et sociales : traitement pénal de la contamination, droits sociaux, droits du travail, discrimination, assurances, refus de soins, secret médical, etc. Vous pouvez contacter Sida Info Droit par téléphone au 0 810 636 636 (0,06€ / min + prix appel métropolitain) : lundi de 17 h à 21 h et vendredi de 9 h 30 à 13 h 30, ou envoyer une question par mail

- Sida Info Plus propose un accompagnement personnalisé et un suivi des personnes vivant avec le VIH. Ce dispositif assure un soutien et un suivi face aux situations de crises liées aux moments clés de l'infection à VIH/sida, des hépatites et des IST à des moments difficiles de la vie. Se savoir atteint, débuter ou changer de traitement, comprendre l'évolution de sa maladie, maintenir son environnement, accompagner un-e ami-e font partie de ces moments où il est important de ne pas être seul-e.

Contactez Sida Info Plus via Sida Info Service en composant le 0 800 840 800. Vous pouvez également consulter le site internet sidainfoplus.frsidainfoplus.fr.

Sur Sida Info Plus, lire aussi l’article Avoir le VIH n’est pas un crime Il ne faut pas pénaliser la transmission du VIH

Sources :

- Le Devoir du 5 août 2023

- - Code pénal (Articles 222.9 ; 222.10 et 222.15)

- Poursuites criminelles en matière d’exposition au VIH et de non-divulgation de la séropositivité au Canada