Travail, Santé, Assurances, Discriminations…

Transcription du chat réalisé le mercredi 4 novembre 2009, avec Jérôme Farina-Cussac, expert juridique à Sida Info Droit.

Modérateur : Sida Info Service reçoit ce soir l’un de ses experts juridiques, Jérôme Farina-Cussac. Vous pouvez lui poser vos questions.

Anonyme : J’ai lu beaucoup de choses contradictoires sur Internet, je voulais savoir s’il existait des métiers interdits aux séropositifs ?

SIS-Jérôme : Bonsoir. Il n’existe aucune profession interdite aux personnes séropositives. Seul un état de santé réellement incompatible avec l’emploi pourrait justifier une inaptitude prononcée par le médecin du travail (par exemple, une extrême faiblesse, ou une grande fatigue chronique peuvent justifier une inaptitude pour un emploi fatigant). D’ailleurs, seul le médecin du travail peut connaître l’état de santé d’un salarié, et transmet à l’employeur un avis qui mentionne simplement : apte ou inapte (et éventuellement des aménagements).

Cdanslair : Bonsoir, je viens de voir que Barack Obama autorisait l’entrée des séropositifs sur le territoire américain, qu’en est-il de la délivrance des titres de séjour ? Est-elle facilitée pour les séropos ?

SIS-Jérôme : La mesure d’application annoncée par le Président américain, et qui fait suite à une vote par le Congrès, en 2008, de l’abolition de cette interdiction, ne concerne que les visas de court séjour (inférieurs à trois mois). Pour les autres visas, la législation en vigueur reste la même. D’une manière générale, l’octroi de visas plus longs dépend du motif de la visite (séjour familial, études...) et également de la nationalité de la personne qui le demande. C’est l’Etat qui accorde le visa et qui apprécie, de façon souveraine, la situation particulière de la personne.

Cdanslair : Pour le travail, que se passe-t-il si après des arrêts maladie longs, un jour, je ne touche plus d’indemnités de la part de la Sécurité sociale ?

SIS-Jérôme : Si vous êtes en ALD (Affection de Longue Durée) - c’est-à-dire : si vous avez une pathologie grave - vous pouvez toucher des IJ (Indemnités Journalières) pendant trois ans au maximum. Ensuite, deux cas de figure peuvent se présenter : 1. Vous êtes en état de retravailler ; 2. Vous ne pouvez pas reprendre un emploi, et dans ce cas vous pouvez prétendre à une autre prestation qui viendra remplacer les IJ : la pension d’invalidité ; c’est le médecin-conseil de la Sécurité sociale qui décide de vous accorder une pension d’invalidité ; le montant de cette pension correspond à 50 % du salaire des 10 meilleures années.

Cdanslair : Comment est déterminée par la Sécurité sociale l’attribution de la pension d’invalidité ? Est-elle automatique dans votre deuxième cas de figure ?

SIS-Jérôme : Son attribution n’est jamais automatique ; elle est soumise à l’appréciation du médecin-conseil, qui applique néanmoins des critères définis par le Code de la Sécurité sociale : s’il vous est impossible d’occuper votre emploi habituel, vous serez placé en première catégorie (30 % du salaire) ; s’il vous est impossible d’occuper UN emploi, vous serez placé en deuxième catégorie (50 % du salaire) ; si, en outre, vous avez besoin d’une tierce personne pour les actes de la vie quotidienne, vous serez alors en troisième catégorie (50 % du salaire + une majoration forfaitaire).

Cdanslair : Excusez-moi de poser beaucoup de questions mais je vous ai déjà appelé sur la ligne Sida Info Droit. Je suis tombé sur des juristes très professionnels, je n’ai pas voulu monopoliser la ligne et j’ai aussi un problème d’assurance : j’en profite aujourd’hui. Que se passe-t-il si je souhaite emprunter 200 000 € ? Va-t-on me demander des tests sanguins ?

SIS-Jérôme : Le médecin-conseil de la compagnie d’assurance est toujours libre de vous demander d’effectuer des tests, mais tout dépend de la somme empruntée, de votre âge, voire de votre profession... En règle générale, à compter de 200 000 euros ou 250 000 euros, on vous demandera systématiquement des tests. On vous en demandera également, quelle que soit la somme empruntée, si vous êtes âgé ou si vous déclarez une pathologie dans le questionnaire de santé. Sur le questionnaire lui-même, il est en général indiqué à compter de quelle somme on vous demandera des tests.

Cdanslair : Donc je ne peux pas mentir ?

SIS-Jérôme : En faisant une fausse déclaration, vous prenez le risque que le médecin-conseil vous demande des examens complémentaires, mais vous ne pouvez jamais le savoir à l’avance... Si vous effectuez une fausse déclaration (ce qui est, naturellement, illégal), et que la compagnie d’assurance vous réclame des tests, vous n’aurez pas d’autre choix que de vous adresser à une autre compagnie. D’autre part, si vous faites une fausse déclaration et que l’on ne vous demande rien de plus (ce qui peut tout à fait arriver), vous ne pourrez alors pas faire fonctionner l’assurance en cas d’accident ou de problèmes de santé, même s’ils sont sans rapport avec la pathologie que vous avez dissimulée.

Cdanslair : Et avec de faux tests même si je sais que c’est illégal, c’est risqué ?

SIS-Jérôme : Le simple fait de faire une fausse déclaration est illégal, mais ne comporte, pratiquement, pas d’autre risque que celui de payer des primes pendant des années sans être réellement assuré, MAIS utiliser de « faux » tests serait certainement constitutif du délit de faux et usages de faux, puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.

Cdanslair : Merci. Bon, je vais y réfléchir à 2 fois certainement.

Olivier : Bonjour. Moi et mon amie venons d'apprendre que nous sommes séropositifs. J’ai été voir mon dossier médical à l’hôpital car à la suite d’une overdose (cocaïne), j’avais demandé une série de tests. Il semblerait que cela n’ait pas été fait. Suite à ma demande de résultat pour ces tests, il m’a été répondu que si j’avais eu quelque chose, on me l’aurait dit. Apparemment ce ne fut pas le cas. Est-ce que j ai un moyen de me retourner contre l’hôpital ?

SIS-Jérôme : De quand date votre passage à l’hôpital ? Et de quand date votre test positif (était-ce un Western-Blot) ?

Olivier : Il y a 5 ans après une hospitalisation de 3 mois. A aucun moment on m’a fait savoir que j’étais séropositif. Le principal est que notre fils n’ait rien, lui. Le résultat positif date d’une semaine.

SIS-Jérôme : La première question est de savoir quel élément vous fait dire que vous étiez déjà séropositif à l’époque ?

Olivier : Je me suis défoncé à la cocaïne et j’ai fait beaucoup de soirées. On a couché à mort et sans forcément se protéger. Depuis que je suis clean, je n’ai jamais trompé mon amie.

SIS-Jérôme : Pour répondre à votre question initiale, il serait difficile d’engager la responsabilité de l’établissement, dans la mesure où cet établissement n’avait pas l’obligation de faire un test VIH (et qu’au demeurant, il n’aurait pas pu être fait sans votre consentement)... Il serait possible d’engager la responsabilité de l’hôpital devant un Tribunal Administratif (qui pourrait vous octroyer des dommages-intérêts), à condition de prouver : 1. Que vous étiez déjà séropositif ; 2. Que l’établissement a effectué un test positif sans vous en faire connaître le résultat ; 3. Qu’un éventuel retard de traitement vous a causé un préjudice en altérant votre état de santé.

Olivier : Justement j’avais fait une demande en leur expliquant que j’avais eu des conduites à risques et quand je leur ai demandé si j’avais un souci, ils m’ont répondu que si c’était le cas, ils me l’auraient dit.

SIS-Jérôme : Vous pouvez obtenir des éléments en demandant la communication des éléments médicaux que cet hôpital détient (par lettre recommandée avec demande d’avis de réception) ; l’hôpital doit vous répondre dans un délai de deux mois (puisque les informations ont plus de cinq ans).

Olivier : J’y suis allé ce matin et apparemment il n’y aucune trace de ma venue pour mon overdose dans leur établissement. Ils ont cherché dans 2 logiciels distincts. La dame que j’ai eue a été très gentille. Elle m’a dit qu’elle allait chercher et me tenir au courant.

SIS-Jérôme : La lettre recommandée est importante, parce qu’elle fait courir le délai de réponse. Attendez donc la réponse de l’établissement, vous aurez déjà (peut-être) quelques éléments. Dans le cas contraire, il vous appartiendra d’apporter les preuves que j’ai énoncées plus haut.

Olivier : Comment peut-on connaître les groupes de soutien vers chez nous (groupes de parole, etc.) ?

SIS-Jérôme : Je vous conseille de joindre Sida Info Service au 0 800 840 800, pour vous fournir des coordonnées de structures d’accueil ou Sida Info Droit au 0 810 636 636 pour toute question juridique.

Olivier : Merci beaucoup pour votre patience...

Mathias : Est-ce que si je réside en France sans carte de séjour j’ai le droit à un traitement pour le VIH ?

SIS-Jérôme : Si vous êtes étranger en situation irrégulière, vous pouvez obtenir l’Aide Médicale d’Etat (AME), qui prendra en charge à 100 % votre traitement. Mais il faut résider en France depuis au moins trois mois pour avoir droit à l’AME : il faut s’adresser au service social d’un hôpital, qui constituera le dossier.

Modérateur : Merci d’avoir participé à ce chat. Attention, mercredi prochain 11 novembre 2009, pas de chat ! Bonne soirée.

SIS-Jérôme : Bonsoir